L’Observatoire du loup voit des loups partout !


L'Observatoire du loup voit des loups partout !

L'Observatoire du loup aime se présenter comme un organisme scientifique faisant autorité par ses expertises sur la présence du loup en France. Mais le manque de sérieux des informations qu'il publie et la recherche du sensationnel pour alimenter les polémiques renvoient de lui une toute autre image. L'Observatoire du loup a bien compris que, pour occuper la scène médiatique, il n'y a rien de mieux que de soupçonner, dénigrer, dénoncer, inventer, persifler tout en multipliant les loups au gré de ses étranges stratégies.

Il faut reconnaître qu'hormis sa capacité à produire une masse considérable de cartes colorées, de graphiques détaillés et d'analyses surprenantes, l'Observatoire du loup a su se doter d'un nom de baptême qui est, à lui seul, un formidable outil de communication. Les algorithmes des moteurs de recherche ont vite fait d'enregistrer son succès : Google le place en 3e position des réponses pour la requête « loup France ». Des journalistes peu soucieux de la vérification des sources ont apporté une contribution non négligeable à sa notoriété. Pourtant un examen de quelques exemples significatifs de la production de l'Observatoire du loup permet de voir qu'il ne produit rien de sérieux mais contribue à une approche trompeuse et inutilement dramatisée des problèmes.

Des expertises sans experts

Par son nom et par la présentation de ses contenus, l'Observatoire du loup se donne toutes les apparences d'un organisme objectif qui se contenterait d'enregistrer la présence du loup en France. C'est ce à quoi semblent contribuer, pour prendre un exemple concret, les graphiques intitulés « Analyses des prédations du loup en Bretagne entre 2017 et 2022 » qui ont été publiés par l'Observatoire du loup sur sa page Facebook le 30 décembre 2022.

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Bien que le document ne soit pas dans une définition d'assez bonne qualité pour faciliter la lecture des chiffres, on peut déduire des éléments présentés que l'Observatoire du loup a pu « expertiser » au total environ 240 animaux sauvages et domestiques en 6 ans. Près d'une soixantaine d'animaux domestiques prédatés par des loups auraient ainsi été attaqués sans pour autant qu'une seule plainte ait été déposée ou que les propriétaires aient transmis l'information à la presse ou à une quelconque autorité. C'est pour le moins étonnant quand on constate qu'au moins un cheval, 3 bovins, 12 chèvres, et 34 (?) moutons sont comptabilisés. On chercherait vainement une référence vérifiable dans les documents publiés par l'Observatoire du loup. La moindre étude à caractère scientifique dans ce domaine devrait être accompagnée, en annexe, d'une fiche détaillée pour chaque cas. Il permettrait de connaître le nom et les qualifications de l'auteur du constat, de disposer de la description des éléments constatés et photographiés ainsi que des critères déterminants (les images publiées parfois ne peuvent en aucun cas être directement attribuées au loup). Les 240 cas en 6 ans rapportés au loup pour la Bretagne (administrative ou historique ?) n'ont pas été portés à la connaissance de l'Office français de la biodiversité (OFB) et n'ont donc bénéficié d'aucune contre-expertise.

On ne manquera pas de noter que l'OFB a reçu 5 144 signalements pour la seule période du 1/11/2021 au 31/5/2022 pour l'ensemble de la France (dont les zones de présence permanente). Sur ce total, il y a 2 240 cas validés, mais 1 837 cas restaient à valider, 329 cas étaient invérifiables, 252 n'avaient pas pu être retenus et 486 restaient en cours d'analyse (document mis en ligne le 28 juin 2022 sur le site www.loupfrance.fr). Si ces chiffres mettent d'abord en évidence le manque d'effectifs de l'OFB, il souligne la difficulté réelle qu'on peut rencontrer dans l'interprétation des photographies floues ou lors de l'autopsie des cadavres. Les chiffres des « prédations » donnés par l'Observatoire du loup, n'étant pas accompagnés de ceux des cas qui auraient été jugés « invérifiables » ou « non retenus », force est de constater que l'Observatoire du loup a une formidable capacité à n'expertiser que des prédations dues au loup. S'il ne s'agit que d'un simple oubli de la part de l'Observatoire du loup, on ne peut alors qu'admirer l'extrême disponibilité, le nombre impressionnant et les étonnantes qualifications de ses membres. Si les « constats » réalisés sur des animaux domestiques peuvent provenir de demandes qui leur parviennent directement, le nombre de cadavres d'espèces sauvages découvertes, du ragondin au sanglier, suppose une capacité peu commune à parcourir les forêts, les landes et les bocages bretons. Et on ne peut que s'interroger sur les extraordinaires compétences rassemblées pour réaliser autant d'autopsies et conclure à la responsabilité du loup.

On aimerait aussi comprendre pourquoi les propriétaires d'animaux domestiques victimes de prédations n'ont pas alerté la presse, l'OFB et, surtout, leur vétérinaire. Il se trouve que le Groupe Loup Bretagne (www.loup.bzh) est en contact avec le Groupement technique vétérinaire de Bretagne et que celui-ci n'a pas connaissance de prédations autres que celles qui sont remontées à l'OFB. On retiendra qu'entre le 11 octobre 2022 et le 17 avril 2023, les agents de l'OFB ont retenu 15 cas où la prédation par le loup n'est pas exclue sur les 26 constats réalisés dans le Finistère à la demandes d'éleveurs.

Enfin, on peut noter que le Groupe Loup Bretagne regroupe des membres du Groupe mammalogique breton (GMB) fondé en 1988 et de Bretagne Vivante, fondée en 1959. Leur expertise est reconnue et sollicitée par les pouvoirs publics et le GMB a coordonné l'Atlas des mammifères de Bretagne paru en 2015. Cet ouvrage, qui a compilé 175 000 données vérifiées, a rassemblé la quasi-totalité des spécialistes des mammifères sauvages de la région. Il se trouve que pas un seul ne participe à l'Observatoire du loup. On se demande donc où ce dernier a trouvé ses experts bretons et quelle est leur formation.

Des chiens pris pour un loup

On dispose d'un exemple révélateur de la qualité du travail de l'Observatoire du loup avec l'affaire de Guerlédan, un des rares cas où les lieux et les témoins étaient suffisamment précis pour qu'une journaliste fasse le travail de vérification qui s'imposait. Dans un article paru dans Ouest-France le mercredi 3 octobre 2018, Isabelle Sigoura réduisait à néant les allégations de l'Observatoire du loup, largement reprises dans la presse au sujet de la présence d'un loup dans la région de Guerlédan. Selon l'Observatoire du loup, le loup avait été vu par un photographe (le 8 septembre) puis il avait attaqué des moutons à Saint-Mayeux le 22 septembre. Hélas pour l'Observatoire du loup, la journaliste avait obtenu, tant du maire que de l'éleveur de moutons lui-même, l'assurance que seuls des chiens étaient impliqués. Or, si l'on consulte le site de l'Observatoire du loup, on constate que la page consacrée aux « indices de présence du loup en Bretagne entre février 2012 et mai 2019 » présente toujours la mention « Septembre 2018, le 22 : 6 brebis sur 2 lots. Faits attribuables au loup. Saint-Mayeux. (Côtes-d'Armor) » ainsi que l'affirmation « Septembre 2018, le 8 : observation validée au lever du jour. Commune de Caurel. (Côtes-d'Armor). » D'autres publications le confirment, l'Observatoire du loup persiste et signe, attaquant le maire et tous ceux qui osent mettre ses « observations » en doute. On a pourtant du mal à croire, quatre ans plus tard, que le loup en question n'ait pas donné des signes tangibles et vérifiables de son existence.

On sait donc ce qu'est une « observation validée » pour l'Observatoire du loup puisque le témoignage du photographe qui fondait la présence du loup à proximité de Guerlédan avait été rapporté à Ouest-France le 23 septembre : « J'ai pu l'observer pendant une bonne minute trente. J'étais en bivouac dans le bois Corel. Je suis tombé nez à nez avec lui en sortant de ma tente à 7 h du matin. Il était à une quarantaine de mètres de moi, il avait une queue courte, le dos sombre, une taille de 60 cm, probablement une femelle ». Non seulement le photographe n'a rien photographié mais il a préféré rester anonyme alors que, de toute évidence, il est l'une des très rares personnes en France qui peuvent distinguer à distance une femelle d'un mâle. Le fait que le maire de Caurel (et non Corel) ait déclaré que « le même jour » il avait observé « la divagation d'un chien dont la race ressemblerait à celle d'un loup » n'a pas suscité le moindre doute du côté de l'Observatoire du loup qui a préféré s'en prendre à l'élu.

Des pseudo-spécialistes

Et ce n'était pas la première fois que l'Observatoire du loup se faisait moucher par plus rigoureux que lui. En janvier 2017, déjà, l'Agence France Presse (AFP) rapportait que Jean-Luc Valérie avait affirmé sur les antennes de RMC qu'il y avait alors « trois loups en Ile-de-France, deux en forêt de Rambouillet et un dans celle de Fontainebleau ». Interrogé par l'AFP, Eric Hansen, délégué inter-régional Centre-Val-de-Loire et Île-de-France à l'ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) avait répondu : « Du côté de l'ONCFS, avant de dire qu'il y a un loup, nous attendons des preuves factuelles. À ce jour, ce que nous avons pu constater, c'est qu'il n'y a pas de traces avérées de loup. Nous avons analysé les deux cadavres de chevreuils dont parle l'Observatoire du loup et nous attestons qu'il ne s'agit pas d'une signature d'un loup, contrairement à ce que dit l'association. […] Cette association est composée de pseudos spécialistes qui assurent certaines choses et disent que, nous, nous ne savons pas. Nous, on reste factuel. […] Je ne vois pas quel serait l'intérêt de l'ONCFS de cacher des informations. Concernant la tanière mentionnée par cette association, on veut bien aller la voir mais elle est incapable de dire où elle se trouve. De plus, s'il y a une tanière, cela veut dire qu'il y a une meute. Il faut savoir qu'une meute de loup tue, en moyenne, un animal par jour. Donc, dans des zones comme la forêt de Rambouillet, fréquentée par des millions de personnes, vous imaginez bien que l'on aurait retrouvé un très grand nombre de cadavres de bêtes tuées. Ce qui n'est pas le cas. […] De même, ils indiquent avoir entendu les loups hurler la nuit. Or, dans les zones concernées, où vivent des millions de personnes, personne d'autre n'a entendu hurler. Je veux bien croire des choses mais là… Je pense donc que cette petite association a réussi son coup parce qu'on n'a jamais autant entendu parler d'elle. »

Il n'aura finalement fallu attendre que 6 ans pour qu'on découvre un loup (tué par une automobile) en forêt de Fontainebleau. Ce qui n'a pas empêché l'Observatoire du loup de déclarer froidement qu'il avait « recensé une dizaine de passages du quadrupède en Seine-et-Marne depuis 5 ans, notamment près de Provins » (article publié sur le site de France 3 Paris Île-de-France le 13 janvier 2023). Les « trois loups » présents six ans auparavant ont donc mystérieusement disparu (sous le coup des critiques de l'ONCFS ?).

Mais qui va confronter des déclarations s'étalant sur des années, dans des supports variés et des dizaines de pages Facebook ?

Le « tendon qui coure »

Qui va avoir le courage de lire les 290 pages du texte intitulé « Sur la piste du loup en Bretagne », autoédité et vendu au format PDF par Jean-Luc Valérie, l'initiateur de l'Observatoire du loup ? Il faut pourtant reconnaître que, malgré l'extrême confusion de l'ensemble, tant sur le fond que sur la forme, certaines pages ne manquent pas de saveur.

Chacun sait que le diable se cache dans les détails. Citons-en un particulièrement révélateur et qui permet, au passage, d'apprécier, pour le même prix, le style inimitable de J.-L. Valérie : « Je remarque que les victimes présentent un rictus, la tête est placée en position haute, en arrière des épaules, j'ai parfois constaté que cette position étonnante est en rapport avec une prise à la gorge et à une conséquence fréquente, la section du tendon qui coure [sic] le long des vertèbres et qui maintient habituellement la tête vers le bas » (p. 217). Voilà l'observation qui manifeste de toute évidence aux yeux des profanes l'exceptionnelle compétence de J.-L. Valérie en matière d'anatomopathologie (ce d'autant plus que la construction de la phrase de 60 mots la rend déjà quasi incompréhensible). Il faut être vétérinaire, en fait, pour savoir qu'il dit n'importe quoi : la seule structure anatomique tendineuse qui court le long des vertèbres cervicales des moutons est la lame du ligament cervical, soutenue par la corde de ce même ligament, mais elle est placée en position dorsale et elle a justement comme fonction de maintenir la tête dressée en position haute !

« L'écologie punitive »

Il serait dommage de passer sous silence les pages où J.-L. Valérie moque le style de quelques phrases prononcées dans une émission de radio par un naturaliste bien connu (pp. 160-161) : « Pourtant à la comparaison des faits et des déclarations nauséabondes d'Emmanuel Holder dont le français semble approximatif, il faut comprendre que comme dans la presse parisienne plus tôt on explique que, je cite strictement ses propos : "… les preuves avancées sur le site de L'Observatoire du Loup qui ont été repris par les différents…quotidiens bretons me semblent bien léger [sic]…on voit par exemple qu'il y a une crotte qui a été trouvé [sic] aux Granges…une crotte qui m'a l'air bien petite…ça peut être un renard, ça peut être un chien errant…il n'y a aucune preuve irréfutable qui est apporté [sic]… alors que quand on a une crotte ça ne coûte rien de l'envoyer pour une analyse Adn et faire toute la lumière sur la présence ou non d'un loup en Bretagne…". » Nous avons, bien sûr, « strictement » respecté la typographie, la syntaxe et l'orthographe de J.-L. Valérie rapportant à sa façon les propos d'Emmanuel Holder. Ce dernier serait même un « acteur de l'écologie punitive locale » (p. 254). Il faut rappeler ici que l'expression « écologie punitive » est un poncif des politiques et des éditorialistes en mal de stigmatisation de toute mesure un peu réaliste face au réchauffement climatique ou à l'effondrement de la biodiversité. Elle n'est pas employée là par hasard. Elle révèle le caractère profond de l'Observatoire du loup : contre tous les écologistes, les naturalistes et les scientifiques, il est le seul à détenir la vérité. Ce seul point, récurrent dans sa communication, associé au secret qui plane sur toutes ses données ainsi que sur son mode de fonctionnement et son financement, devraient suffire à alerter sur sa fiabilité.

On aura compris qu'il est impossible de réfuter une par une les multiples erreurs et élucubrations volontaires ou non de l'Observatoire du loup (selon la loi de Brandoloni, il faut fournir beaucoup plus de travail pour réfuter des sottises qu'il n'en a fallu pour les produire et nous avons mieux à faire). Mais il était tout aussi impossible de rester silencieux plus longtemps compte tenu du besoin de clarté dans le débat sur le retour du loup en Bretagne.

Source :https://www.francoisdebeaulieu.fr/lobservatoire-du-loup-voit-des-loups-partout/

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